Le Turkménistan communique sur sa population pour la première fois depuis 2006
Le 14 juillet 2023, le Turkménistan s’est enfin résolu à annoncer le bilan du recensement qui a eu lieu dans le pays en décembre 2022. Dans une brève apparition à la télévision turkmène, filmée lors du Cabinet des ministres, le président du Comité public de la statistique a annoncé que le pays comptait un peu plus de 7 millions d’habitants, 7.057.841 très exactement.
C’est la première fois depuis 2006 que le Turkménistan publie des chiffres officiels sur sa population. À l’époque, les autorités affirmaient que le pays comptait 6,7 millions d’habitants. Cela, après 4,5 millions comptabilisés en 1995 et 3,7 millions à la fin des années 1980.
En réalité, le Turkménistan compterait 2,8 millions d’habitants tout au plus
Il est toutefois permis de douter de la véracité de ces chiffres. En juillet 2021, trois sources au sein des autorités turkmènes dont l’activité professionnelle est en rapport avec la démographie et plus particulièrement l’analyse des résultats de recensements avaient confié au service turkmène de Radio Liberty qu’« en réalité », le pays ne comptait que 2,7 à 2,8 millions d’habitants. Ce chiffre avait été obtenu à l’issue d’un recensement préliminaire, dont les résultats avaient été soumis au chef de l’État, qui avait décidé de ne pas les rendre publics.
La diminution de la population est visible à l’œil nu au Turkménistan. Quiconque se promène dans Achgabat pourra constater par lui-même que les grandes avenues et places semblent surdimensionnées par rapport au nombre de passants. Il en est de même dans les villages : on peut très bien marcher dans une rue et n’y croiser qu’une seule personne ou deux maximum. Les seuls endroits où on peut encore voire du monde sont les bazars.
Une émigration de masse plombe le bilan de la population turkmène
Trois facteurs expliquent ce phénomène : une durée de vie limitée du fait d’un système de santé défaillant, la réticence des Turkmènes à faire des enfants, étant donné les conditions de vie difficiles, et surtout une émigration de masse. En 2019, des sources du service turkmène de Radio Liberty ont confié à ses journalistes qu’au cours de la décennie écoulée, 1,9 million de Turkmènes avaient quitté le pays. D’après ces mêmes sources, ces chiffres avaient été immédiatement rendus secrets car le chef de l’État « ne les a pas appréciés ».
Les données fournies par les pays d’accueil sont d’ailleurs parlantes. Rien qu’entre janvier et fin juin 2023, la Turquie a délivré des permis de séjour à 200.000 ressortissants turkmènes. Et cela, sans compter les très nombreux clandestins se trouvant dans le pays, dont les visas et permis de séjour ont expiré sans qu’ils ne les aient renouvelés, souvent pour cause d’expiration du passeport. La Russie elle aussi accueillait un grand nombre de Turkmènes avant la pandémie de Covid-19 : 92.616 arrivées de citoyens turkmènes ont par exemple été comptabilisées en 2019.
Recensement au Turkménistan : des méthodes douteuses pour faire gonfler les chiffres
Alors, comment le Turkménistan est-il parvenu à avoir, ne serait-ce que sur le papier, une telle population ? Il est possible que certaines personnes aient été comptées plusieurs fois, et même que certaines personnes décédées aient été comptabilisées. Cela est tout à fait possible étant donné la manière dont le recensement a été réalisé. Bien souvent, n’ayant pas trouvé des gens à leur domicile, les agents recenseurs remplissaient leurs fiches en interrogeant les voisins.
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